La réification totale du sexe humain (1)

Publié le 27/09/2020

  • La réification totale du sexe humain (1)

 Francis Cousin:

LA REIFICATION TOTALE DU SEXE HUMAIN COMME STADE SUPRÊME DE L’IMPERIALISME DE LA MARCHANDISE…

(Première partie)

 

 

 

« La continuité du rapport de l'esclave et de l'esclavagiste était assurée par la contrainte subie directement par l'esclave. En revanche, l'ouvrier libre est obligé d'assurer lui-même la continuité de son rapport, car son existence et celle de sa famille dépendent du renouvellement continu de la vente de sa force de travail au capitaliste…Chez l'esclave, une force ou une habileté particulière peut accroître son prix d’achat, mais cela ne le concerne pas. Ce n'est pas le cas de l'ouvrier libre qui , lui, est propriétaire de sa force de travail vendue et exploitée… »

 

Un chapitre inédit du Capital, Karl MARX

 

 

 

 

«…Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l'adoption…Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l'usine, quelle différence? C'est faire un distinguo qui est choquant…»

 

Pierre BERGE en 2013, entrepreneur en confection de luxe, homme d'affaires et mécène de toutes les impostures du marché narcissique du faux triomphant

 

 

 

« C’est pour devenir toujours plus identique à l’identité de son indistinction que le libre espace de la marchandise totalitaire supprime précisément toute

distinction. La prise de possession de la totalité humaine par le spectacle de l’aliénation, en développant la logique de l’indistinct absolu, lui permet d’indistinguer absolument la logique de tous les développements en façonnant désormais une histoire à « sens unique » : celle du terrain où le citoyen est indistinctement et  toujours hors sol et privé de toute autre identité que celle du fétichisme marchand se parlant sans discontinuer à lui-même.

 

L’intégration au fétichisme de l’argent présuppose que les individus qui y sont séparés d’eux-mêmes et coupés des autres soient cependant fondus dans la communauté de l’illusion marchande  qui les socialise en tant que dissociés-ensemble et précisément reliés par la généralisation spectaculaire de l’indistinct.

 

L’indistinction est cet accomplissement moderne de la confusion marchande qui se consomme elle-même en tant qu’abstraction universelle et infinie puissance de la falsification.

 

Dans une société où plus personne ne peut plus être reconnu que par la marque du paraître de l’avoir, l’indistinction est partout chez elle puisque toute la réalité de l’imposture du monde a fini par se mondialiser comme imposture de toute réalité.

 

A mi-chemin d’une hétérosexualité toujours plus dévalorisée et d’une homosexualité toujours plus louangée, le spectacle de l’indistinction a balisé sa norme de mixité indifférenciante en une représentation schizophrénique où la femme doit de plus en plus sembler être un homme pendant que l’homme doit, lui, de plus en plus ressembler à une femme. »

 

Critique de la Société de l’Indistinction.

 

 

 

 

Durant sa phase de domination formelle, entre le développement médiéval des grandes cités marchandes : Venise, Anvers, Gênes, Amsterdam et la première boucherie mondiale de 1914,  le mode de production capitaliste n’est pas encore lui-même puisqu’il s’appuie sur une extériorité qu’il absorbe et digère peu à peu pour la reconvertir conformément à sa propre substance. Il y eu ainsi le temps de l’épargne des accumulations premières et de la morale des continences pour parvenir enfin au temps des consommations des accumulations dernières et de la morale des débauches du sexe machine.  La domination du Capital devient donc réelle quand c'est le procès de travail qui devient spécifiquement capitaliste et que  toute l’activité vivante qui en découle est modifiée et façonnée en fonction de l'objectif unique de la valorisation. Le spectacle du fétichisme de la marchandise, compris désormais comme  totalité du monde, est à la fois le résultat et la combinaison du mode de production capitaliste totalement existant. Le mode de production capitaliste d’aujourd’hui qui a enfin liquidé toute son antériorité est ainsi le moment où la marchandise est parvenue à l'occupation totale de la vie humaine désormais absolument réifiée…

 

Il y a bientôt près de deux siècles et autour de la Première Internationale et des positions  maximalistes défendues par Marx en défense de l’abolition de l’argent et de l’État, les groupements pratiques et théoriques radicaux qui soutenaient une conception ontologique et émancipée de la vie humaine eurent toujours l’intelligence et la profondeur d’annoncer et de démontrer que la totalité de l’existence, progressivement domestiquée par la civilisation du profit ne pourrait déboucher, par la nécessité historique implacable des affaires, que sur l’horreur de la prostitution universelle dans l’artificiel illimité.

 

Des vieilles insurrections paysannes de jadis aux soulèvements ouvriers qui ne cessèrent de s’ensuivre contre la modernité capitaliste de l’oppression, les solidarités vivantes de la filiation familiale ont toujours constitué des axes dynamiques et expressifs autour desquels l’indiscipline, la mutinerie et le soulèvement communautaire pouvaient durablement s’installer contre le travail d’atomisation des spéculations du négoce. Le chouan de 1793, le communard de 1871 et le sidérurgiste de 1968 avaient la force et la volonté de se battre parce que leur lutte de classe contre l’ignominie économique et politique se charpentait d’emblée sur la détermination enracinée des relations affectives qui faisaient la solidité de la maisonnée et de sa transmission contestataire. Et cette détermination historique, vivace par delà les contraintes de soumission encore limitée de l’Ancien Régime qui avait dû composer avec la puissance établie des communaux ancestraux, conservait fondamentalement  le sens de la tradition primordiale de la longue durée millénaire, là où la communauté organique, ignorant la loi de l’argent et de l’État, produisait pour le seul bien vivre humain.

 

Avec la domination pleinement réalisée de la marchandise, les lignages humains d’avant le règne absolu de l’accaparement qui s’étaient affirmés comme positions récalcitrantes lors de la phase d’ascension du Capital, sont devenus décidément d’aucune utilité puisqu’ils témoignent justement de ce temps révolu où la généalogie des hommes échappait encore pour une part au cannibalisme de l’appropriation. Par la dialectique de l’obscurantisme illimité de la démocratie du calcul et de l’avilissement, la séparation généralisée des hommes de leur propre existence exulte, et ainsi doit disparaître toute pratique unitaire de la réalité, toute communication personnelle directe entre les humains qui ne serait point préalablement médiée par la représentation narcissique des échanges. Selon le progrès moderniste de l'accumulation capitaliste d’une production obligatoirement séparée et séparante, l'unité et la communication deviennent l'attribut exclusif du fétichisme de la marchandise. La réussite du système historique de la séparation spectaculaire est alors la marchandisation exemplaire du monde de tous les comportements des humains asservis.

 

Comme l’indiquait pertinemment Guy Debord au siècle dernier, maintenant l’homme cesse de pouvoir ressembler aux combats de son père ou de son grand-père, il doit être étroitement accordé à l’image prosternée du présent éternel de la soumission à l’argent…

Comme le dit Marx, dés ses premiers textes,  et ce au total rebours de tous les idiots utiles du progressisme du mondialisme du bénéfice : dans la société de l’Avoir, la production ne produit pas seulement des marchandises matérielles. Elle produit l’homme, lui-même,  comme une marchandise, la marchandise humaine, l’homme destiné au seul rôle de marchandise, elle le produit conformément à cette destination, « comme un être déshumanisé aussi bien intellectuellement que physiquement…Immoralité, dégénérescence et ilotisme »

Le système du fétichisme marchand édifié sur l'isolement est une production circulaire de l'isolement narcissique. L'isolation spectaculaire assure la technique de développement de la marchandise et le développement technique de la marchandisation isole toujours et toujours plus en retour. Chaque pas en avant de la libération des mœurs telle que prônée par l’extrême gauche du Capital qui n’est là pas autre chose que l’avant-garde de la profitabilité générale, aboutit de fait à marchandiser toujours davantage les corps, les cœurs et les âmes, et tous les avancements sélectionnés par le système spectaculaire sont de la sorte ses armes nouvelles pour le renforcement constant des conditions d'isolement et d’esclavage des pitoyables et incommensurables foules solitaires.

 

L'origine et le principe du spectacle de la marchandise c’est la perte d'unité du vivre authentique, et l'expansion gigantesque de la sexualisation marchande par la mercantilisation systémique  du sexe  exprime la totalité de cette corruption où la vraie jouissance radicale du qualitatif réfractaire est transmutée en vulgaire faux plaisir de la quantité commerciale. Le spectacle de la liberté des mœurs n'est que le langage commun de cette séparation où ce qui relie les spectateurs apprivoisés n'est finalement qu'un rapport irréversible à leur propre vie fausse laquelle maintient leur isolement infini dans ce spectacle de schizophrénie mégapolitaine où l’orgasme illusoire réunit des errances humaines séparées mais en ne les réunissant toujours qu’en tant qu’épaves séparées dans la grande déambulation égarée des braderies lamentables.

 

Par delà la ridicule comédie théâtrale du mariage gay qui ne concerne d’ailleurs pas la masse des spectateurs homosexuels mais plus exactement la nomenklatura étatique et médiatique de ceux qui entendent en contrôler le marché, il faut, en premier lieu, rappeler qu’il est dans la logique du Capital de dissoudre tout ce qui lui était antérieur après en avoir épuisé toutes les ressources possibles puis de le refaçonner à l’image du parcours totalitaire de la pure démocratie de la mesure mercantile à la page.

 

Désormais, le spectacle du fétichisme marchand s’est emparé de la totalité du monde et la liberté despotique de l’argent est enfin parvenue à élaborer la fabrique démocratique universelle de cette marchandise si originale qu’est l’être humain chosifié jusqu’en son intimité sexuelle et émotionnelle la plus profonde. Tout s’achète et tout se vend dans le procès réalisé de la mondialisation capitaliste flamboyante qui a digéré toutes les manifestations du vivre humain pour les réécrire adéquatement au marché totalitaire des échanges narcissiques du commerce de l’aliénation consommatoire.

 

Ainsi, le sexe est d’abord une transaction affairiste et son commerce accru depuis la libéralisation des marchés du désir machinique tant prônée par le gauchisme  capitaliste  à partir de la mystification libéralo-libertaire de 68 qui est venue cacher la colère ouvrière radicale qui fit alors si peur, se montre essentiellement comme croissance et mobilité ininterrompues des innovations aliénatoires nécessaires à l’ajustement structurel du despotisme de la possession.  La libération sexuelle est le mouvement par lequel la marchandise se libère des traditions de l’avant-marchandise pour imposer la pure domination du marché de l’offre et de la demande qui permet dés lors le trafic des hommes, des femmes et des enfants conformément à tous les désirs réifiés de la logique du marché des sexualités mécaniques librement circulantes.

 

Quel esprit lucide doté d’un tant soit peu de vivacité intellectuelle pourrait s’étonner que l’économie politique du mariage gay et l’ensemble de ses conséquences, la PMA (procréation médicalement assistée) et  la GPA ( gestation pour autrui) correspondent impeccablement à une époque qui veut que nous cessions de ressembler à la souche subversive de notre provenance en la vieille communauté de l’Être qui fit tout à la fois, nos jacqueries incessantes, la Commune de Paris et les grèves séditieuses du siècle dernier, pour nous amener à devenir la stricte duplication conforme de l’industrie moderne de la misère généralisée de tous les marchés narcissiques concevables où il est tout à fait normal de louer ou d’acheter un utérus puisque l’enfant est bien entendu une fourniture comme une autre.

La production/métamorphose des sensualités humaines comme choses hébétées et purement automates est dorénavant bien en cours dans l’infamie technologique du procès de valorisation capitaliste. En pleine conformité avec ce qu’avait anticipé  la septième section du livre Premier du Capital, à mesure que les contradictions qui posent le cheminement de l’universelle baisse du taux de profit, imposent la production croissante d’une surpopulation relative comme  armée industrielle de réserve, le despotisme du marché rend absolument nécessaire de « fabriquer des surnuméraires »  en  « remplaçant une force supérieure et plus chère par plusieurs forces inférieures et à bon marché, l'homme par la femme…un Yankee par trois Chinois… ». Ainsi, la modernité démocratique de l’oppression marchande a jeté des millions de femmes à l’usine et le féminisme comme religion de cette émancipation travailliste a construit le spectacle de légitimation qui a fait de la femme un rouage bon marché de l’immense machine à produire de l’anti-humain. Toutes les libérations sont des constructions d’aliénations supérieures conformes aux impératifs de progression de la civilisation du commercialisme tentaculaire … Le droit industriel à l’avortement généralisé a ainsi permis de régler la sur-production des fœtus qui résultait des obligations de la mise en marche de la féminisation salariale concentrationnaire. Et la dialectique capitaliste qui conduit ainsi des avortoirs de la naissance volée aux abattoirs de la sédation terminale des morts imposées renvoie tout normalement à cette idée fort banale que l’homme, à tous les stades de son évolution,  est une simple et acéphale machine à profit, un matériau dont la liberté despotique de l’argent peut disposer du début à la fin selon les lois générales du meilleur des mondes marchand possible.

Par conséquent, les phénomènes d’asservissement social étant  récemment apparus sur le marché des modes obligatoires comme la théorie du genre, le mariage homosexuel, la PMA et la GPA,  s’inscrivent pleinement  dans l’effectivité d’accomplissement de la  logique trans-humaniste du fétichisme de la marchandise en tant que forme supérieure et dernière de l’aliénation qui rend justement l’homme tout à fait étranger ( aliénus) à l’homme. Le trans-humanisme des affaires se définit  ainsi comme le projet immanent du spectacle du monothéisme de l’argent de modifier la nature humaine profondément  au point de la faire sortir définitivement d’elle-même jusqu’à ce point terminal où l’homme machinique du désir réifié est pleinement réalisé par la dé-réalisation de tout ce qui articule la sensibilité ontologique de l’humaine émotion. Marx définissait les communautés primordiales du passé et la communauté universelle de demain comme un naturalisme achevé, il convient de regarder la société actuelle comme un anti-naturalisme achevé puisqu’il s’agit exclusivement pour elle de nous emmener à l’ « après- l’humain »  de telle sorte que l’on atteigne le niveau d’auto-péremption de l’espèce humaine elle-même, ainsi rendue dépassée dans la délectation robotique et  obsolète dans le destin historique. En ce sens, le concept de  trans-humanité est d’abord synonyme de post-humanité, c’est à dire d’humanité chosifiée donc d’anti-humanité entièrement machinisée dans l’ultra-automatisation de l’affectivité…

Nous sommes ici pleinement confronté au constructivisme machinique de la marchandisation intégrale. L’une des constantes de la domination totalement réalisée du Capital, dont le trans-humanisme caractérise le parachèvement symphonique  est de considérer l’existence entière comme une construction industrielle de dimension post-naturelle nécessaire. Tout ce qui est donné, tout ce qui est naturel, peut de la sorte être sans cesse dé-construit et re-construit selon les déterminations d’un nouveau plan de vie ; celui de la démocratie totalitaire des recompositions narcissiques de la libre circulation infinie des techniques de la bio-rentabilité omniprésente. Pour le trans-humanisme du profit, tout est appelé à être trans-formé en simulacres et simulations car cela doit permettre de se « libérer » d’une nature humaine archaïque  et dérangeante considérée  comme ennuyeuse et incommode, encombrante et bien trop limitée au regard de l’illimitation psychotique des forces productives de la licencieuse capitalisation du monde.

Le mouvement capitaliste d’appropriation, de remaniement  et d’artificialisation du vivant impulsé par le marché moderniste de l’innovation technologique fait désormais de l’existence humaine un simple terrain banalisé d’investissement et de bénéfices pour les entreprises du bio-capitalisme. La liberté, c’est toujours la liberté du marché…

La  gauche du Capital en tant que laboratoire le plus avancé de la mystification marchande est donc là – comme toujours -  en toutes ses coteries complémentaires, à la pointe de cet avenir d’obligations irrépressibles qui pousse la vie des êtres à s’émanciper de l’être de la vie,  au nom de la  liberté et de l’égalité des corps circulatoires qui structurent la société du mensonge généralisé  pour que l’assimilation corporelle induite fusionne avec la reproduction du procès scientifique de valorisation en venant conclure la conquête du monde et de la production de la re-production… Le spectacle dictatorial des emprises scientifiques de l’économie soumet les hommes vivants dans la mesure où l'économie de la science les a préalablement totalement soumis. Il n'est rien d’autre que la chosification rassemblant la Terre comme marché mondial de la marchandise sans limite se développant pour elle-même. Il est le reflet fidèle de la production des choses, et l'objectivation des producteurs comme vulgaires choses humaines devenues instruments du vaste univers des ustensiles de l’onanisme mécanique..

Sperme, ovules, gènes, cellules, sang et organes viennent de la sorte signaler les nouveaux gisements morbides de la croissance paranoïaque du monde spectaculaire de l’inversion concrétisée de la vie en tant que mouvement autonome du non-vivant objectivé comme reproduction fabriquée d’une génétique qui n’est que le dernier moyen de permettre à la forme-marchandise d’aller vers sa réalisation chosiste absolue.

L’implacable tyrannie économique du marché met actuellement à profit l’organisation économico-narcissique  de la sexualité qui ... (La suite ici)

Extrait de Marchandiser la vie humaine, Le Retour aux Sources, Paris 2016.